L’étude de l’extension urbaine, en particulier la périurbanisation, soulève plusieurs difficultés qui sont liées à la rapidité des transformations et à la diversité des formes urbaines construites. Il est souvent complexe de repérer avec précision les zones récemment urbanisées et de caractériser leur typologie (habitat diffus, lotissements, grands ensembles).
L’apport des technologies spatiales notamment de la télédétection a permis de renforcer les méthodes d’analyse du phénomène de l’urbanisation accélérée. L’imagerie satellite est aujourd’hui souvent utilisée pour observer l’évolution de l’occupation du sol et identifier les dynamiques spatiales sur le long terme. Les séries d'images des satellites Landsat disponibles depuis les années 1970 sont très utiles pour ce type d’analyse. Elles offrent une couverture temporelle et une forte résolution notamment avec les derniers satellites Landsat. Ceux-ci permettent de distinguer avec plus de précision les zones construites des espaces végétalisés ou agricoles et facilitent le suivi de leur évolution dans le temps. Les données des premières générations sont moins détaillées mais restent exploitables pour comparer les grandes étapes de transformation des territoires. En effet, les chercheurs utilisent souvent des approches diachroniques à l’aide de ces images pour mieux comprendre comment les villes se développent et identifier les zones urbanisées.
C’est notamment le cas de la région toulousaine où les dynamiques périurbaines sont étudiées depuis les années 1980. À cette période, plusieurs recherches se sont intéressées à la transformation des campagnes autour de Toulouse qui sont marquées par l’arrivée de nouvelles populations et par la construction de maisons individuelles. Les politiques publiques du logement ont favorisé cette politique en facilitant l’accès à la propriété et au développement des zones résidentielles dans la périphérie. Ces politiques publiques ont fait apparaître de nouveaux enjeux en matière de mobilité, d’artificialisation des sols et de fragmentation des paysages.
Pour comprendre ces dynamiques, il était important d’utiliser la télédétection pour comprendre et surtout documenter ces transformations, quantifier l’étendue des surfaces urbanisées et apporter des éléments concrets pour orienter les politiques d’aménagement. Dans cet article nous avons réalisé une analyse diachronique de l’urbanisation de Toulouse pour comprendre la périurbanisation en utilisant la télédétection. Nous avons fait la comparaison entre trois dates : 1980, 2010 et 2022 à l’aide des satellites Landsat 5 et Landsat 8 (résolution spatiale de 30 mètres). Les images ont été téléchargées à partir du site de l’USGS avec une nébulosité inférieure à 10 % afin d'assurer une bonne lisibilité des données.
Après le téléchargement, une extraction spatiale a été réalisée pour isoler la zone d’étude correspondant à l’aire urbaine de Toulouse. Les images ont ensuite été traitées en fausses couleurs (infrarouge proche) pour faciliter la distinction entre les zones bâties, végétalisées ou artificialisées. Un indice spectral (IC - indice de cuirasse) a été calculé pour chaque image puis une composition colorée a été générée afin de produire une image composite pour faciliter la lecture des évolutions.
Le calcul de l’indice de cuirasse :
IC = (B2 * 3) - B3 - 100
Le calcul des différents indices de cuirasse sur plusieurs dates nous permet de voir l’évolution du bâti à travers le temps à Toulouse. La couleur blanche sur les images s’étale sur une grande surface au fur et à mesure qu’on monte dans le temps. On peut voir une grande différence dans l’ampleur du blanc entre l’image de 1980 et 2010. Cela témoigne de la forte urbanisation que la zone a connue durant ces 30 ans.
Source : HADJOUMEUR RYMA (2025)
Pour analyser correctement les résultats de l’indice de cuirasse, il a fallu combiner les résultats issus de l’indice de cuirasse (IC) en les affectant à chacune des compositions colorées et faire une classification.
Source : HADJOUMEUR RYMA (2025)
Résultats et interprétation des images :
Les deux images mettent en évidence la progression de la périurbanisation toulousaine. La première, couvrant la période 1980–2010 montre une extension du tissu urbain sur une période de 30 ans. La seconde, sur la période 2010–2022, montre une poursuite de l’étalement urbain mais à un rythme moins rapide. Les zones en jaune correspondent aux espaces déjà urbanisés entre 1980 et 2010 tandis que les zones en rouge illustrent les extensions plus récentes apparues entre 2010 et 2022. Ces résultats confirment que la dynamique de périurbanisation se maintient sur l’aire urbaine toulousaine même si elle tend à ralentir dans la période la plus récente.
Cet exemple illustre bien l’intérêt de la télédétection dans l’analyse de l’évolution des villes. Toutefois, ses applications ne se limitent pas à l’urbanisme. En effet, grâce aux images satellites, des chercheurs de l’université du Michigan ont réussi à cartographier la présence de microplastiques dans les océans. Cette démarche a été réalisée avec l’utilisation de capteurs spatiaux capables de détecter des particules inférieures à 5 mm. La télédétection représente donc une avancée majeure dans le domaine des systèmes d’information géographique et son potentiel reste encore à réaliser.
